Reconfiguration du paysage de l’enseignement supérieur et de l’assurance qualité en Europe : quels rôles et quels enjeux pour les écoles d’ingénieurs et la CTI ? : discours d’ouverture par Élisabeth Crépon à l’atelier européen 2022 de la CTI


Atelier européen du 31 janvier 2022

Reconfiguration du paysage de l’enseignement supérieur et de l’assurance qualité en Europe : quels rôles et quels enjeux pour les écoles d’ingénieurs et la CTI ?

UE France 2022

Ouverture de l’atelier européen par Elisabeth Crépon, Présidente de la CTI

Mesdames les Directrices et Messieurs les Directeurs,

Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

J’ai le plaisir d’ouvrir l’atelier européen du colloque de la CTI 2022 dont le thème est « Former des ingénieurs dans un monde en transitions ». 

Je profite de ce dernier jour du mois de janvier pour vous souhaiter ainsi qu’à vos proches et à vos établissements une belle et heureuse année !

2022 vient de démarrer et s’annonce comme une année riche pour l’Europe et pour l’éducation dans son ensemble. C’est en particulier l’Année Européenne pour la Jeunesse et également celle des 35 ans du programme Erasmus.

Au-delà de ces symboles, une reconfiguration du paysage de l’enseignement supérieur et de l’assurance qualité s’est amorcée. L’initiative visant à bâtir des Universités européennes a démontré une forte capacité de mobilisation des établissements français, universités et écoles. La France figure en effet en tête des états membres bénéficiaires, avec 32 établissements d’enseignement supérieur répartis dans 30 alliances et 10 établissements français coordinateurs. Mais cette initiative a soulevé parallèlement de nouveaux défis : coordination de structures de diverses natures, assurance qualité, définition de l’offre de formations, place de la recherche et de l’innovation… Ont émergé également la question des diplômes européens, et notamment du diplôme d’ingénieur européen.

La Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal, indiquait la semaine dernière à l’issue de la réunion des ministres de l’enseignement supérieur de l’Union Européenne qui s’est tenue à Paris, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne : « nous sommes à un moment particulier du développement de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de l’Union européenne».

La présidence française, moment clé dont la devise est « Relance, Puissance, Appartenance », promeut les politiques européennes de la connaissance pour soutenir la relance économique et les transitions, et affirme le caractère international de ces politiques pour confirmer la puissance de l’Europe et approfondir l’attractivité et le sentiment d’appartenance à l’Europe.

Dans ce cadre, deux initiatives ont été adoptées par la Commission à la mi-janvier : la stratégie européenne en faveur des universités et la proposition de recommandation du Conseil visant à jeter des ponts pour une coopération européenne efficace en matière d’enseignement supérieur.

Ainsi parmi les actions phares identifiées par la Commission, il y a : 

  • l’accroissement du nombre d’universités européennes et la définition de leur statut juridique ;
  • la création d’un diplôme européen, « mis à l’essai dès 2022 », via un label ;
  • la généralisation de la carte d’étudiant européenne ;
  • le renforcement du système d’assurance qualité.

C’est dans ce contexte que nous avons choisi le thème de cet atelier européen organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne* : Reconfiguration du paysage de l’enseignement supérieur et de l’assurance qualité en Europe : quels rôles et quels enjeux pour les écoles d’ingénieurs et la CTI ? 

Membre du réseau des agences d’assurance qualité (ENQA – European Association for Quality assurance in Higher education) et inscrite au registre des agences d’assurance qualité en Europe (EQAR – The European Quality assurance Register for Higher education), la CTI est reconnue par ses pairs et participe aux groupes de réflexion et de travail des agences pour représenter les intérêts de l’assurance qualité des formations d’ingénieurs. Engagée dans ECA (The European Consortium for Accreditation), la CTI prêtera une attention toute particulière à la question des diplômes doubles et conjoints et de leur assurance qualité (notamment via la European Approach). La CTI est également membre fondateur de ENAEE (European Network for Accreditation of Engineering Education) qui a conçu le label européen de formation d’ingénieur EUR-ACE, et qui pourrait poser la base d’un futur diplôme européen d’ingénieur. Forte de ce réseau d’agences partenaires, la CTI amplifiera en 2022 son action dans le cadre européen, au service des grands enjeux identifiés par la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Je vais maintenant laisser la parole aux intervenants de l’atelier européen que je remercie sincèrement d’avoir accepté notre invitation

Je vous souhaite des échanges riches et fructueux. Je vous remercie de votre attention.

*L’atelier européen de la CTI était organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Il n’était pas organisé par le Gouvernement français. Il était cependant autorisé par celui-ci à utiliser l’emblème de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

ANNEXES – FOCUS

Erasmus +

Le programme Erasmus+ permet de partir dans 33 pays en Europe et 168 pays partenaires. Centré initialement sur l’enseignement supérieur, Erasmus+ a intégré à partir de 2014 l’ensemble des programmes européens pour l’enseignement scolaire, l’enseignement et la formation professionnelle, l’éducation des adultes, la jeunesse et le sport.

Entre 2014 et 2020, près de 740 000 personnes ont bénéficié d’une mobilité Erasmus+ à partir de la France, dont 600 000 grâce aux établissements d’éducation et de formation

+ de 12 Millions de bénéficiaires depuis 198726 milliards d’euros pour 2021-2027, soit +80% par rapport à 2014-2020
LA STRATEGIE EUROPEENNE DEVOILEE LE 18 JANVIER 2022
Source : Commission européenne 

Objectifs renforcer la dimension européenne de l’enseignement supérieur et de la recherche;conforter la place des universités comme lieux de rayonnement de notre mode de vie européen (actions de soutien portant sur les carrières, la qualité et la pertinence de compétences adaptées à l’avenir, la diversité, l’inclusion, les pratiques démocratiques, les droits fondamentaux et les valeurs académiques);donner aux universités les moyens d’agir en tant qu’acteurs clés du changement dans la double transition écologique et numérique;renforcer les universités en tant que moteurs du leadership de l’UE et de son rôle sur la scène mondiale.

4  initiatives phares :

1. Porter à 60 le nombre d’universités européennes, réunissant plus de 500 établissements d’enseignement supérieur, d’ici la mi-2024, avec un budget indicatif Erasmus+ de 1,1 milliard d’euros pour la période 2021-2027. L’objectif est de développer et d’établir une coopération structurelle, durable et systémique commune à long terme dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de l’innovation, en créant des campus interuniversitaires européens grâce auxquels les étudiants, le personnel et les chercheurs de toutes les régions d’Europe peuvent bénéficier d’une mobilité sans discontinuité et créer ensemble de nouvelles connaissances, en transcendant les frontières entre les pays et les disciplines ;

2. œuvrer à l’élaboration d’un statut juridique pour les alliances entre établissements d’enseignement supérieur afin de permettre à ces derniers de mettre en commun leurs ressources, leurs capacités et leurs forces, à l’aide d’un projet pilote Erasmus+ à partir de 2022 ;

3. œuvrer à la création d’un diplôme européen commun afin de reconnaître la valeur des expériences transnationales acquises par les étudiants au cours de leur diplôme d’enseignement supérieur et afin de réduire les formalités administratives entravant la mise en œuvre de programmes communs ;

4. développer l’initiative relative à la carte d’étudiant européenne en attribuant un identifiant étudiant européen unique à tous les étudiants mobiles en 2022 et à tous les étudiants des universités en Europe d’ici la mi-2024, afin de faciliter la mobilité à tous les niveaux. 

Mais aussi révision de la Recommandation de 2006 portant sur la coopération européenne en matière d’AQ, pour renforcer le système européen de reconnaissance et d’AQOu encore création d’un observatoire européen de l’enseignement supérieur, annoncé pour 2023
Et également le renforcement des synergies éducation/ recherche.
Les universités européennes en bref 
41 Universités européennes 
280 Etablissements d’enseignement supérieur (EES) 
27 Etats membres de l’UE + Royaume-Uni, Serbie, Islande, Turquie, Norvège 
20% de l’ensemble des étudiants de l’espace européen 
La France, en tête des états membres bénéficiaires, avec 32 EES répartis dans 30 alliances et 10 établissements français coordinateurs 
Financements européens = Max 5 Millions € sur Erasmus + et Max 2 Millions € sur H2020/ alliance (soit 287 Millions €) Financements français = 100 Millions € sur 10 ans 

Les universités européennes doivent contribuer à promouvoir « les valeurs et l’identité européennes en révolutionnant la qualité et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen ». 

Ces alliances : 
« Reposeront sur une stratégie à long terme conjointe, axée sur la durabilité, l’excellence et les valeurs européennes ;  

Offriront des programmes d’études centrés sur l’étudiant et dispensés conjointement sur des campus inter-universitaires, dans le cadre desquels diverses associations d’étudiants pourront élaborer leurs propres programmes et expérimenter la mobilité à tous les niveaux d’études ;  

Adopteront une approche axée sur les défis à relever, dans le cadre de laquelle des étudiants, des universitaires et des partenaires extérieurs pourront coopérer au sein d’équipes interdisciplinaires pour s’attaquer aux problèmes les plus importants auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui ». 
Dépêche n° 666437
Enseignement / Recherche – Enseignement supérieur
Par : Camille Cordonnier – Publiée le 26/01/2022 à 09h52 
Le diplôme européen sera “mis à l’essai dès 2022” via un label (Mariya Gabriel, commissaire européenne)

Mariya Gabriel, commissaire européenne, annonce que, “dès 2022, le diplôme européen sera mis à l’essai en tant que label donné à des programmes conjoints, dont la dimension européenne est reconnue par des critères communs”, lors d’une conférence de presse à l’issue de la rencontre informelle des ministres européens de l’ESRI, le 25 janvier 2022. Ce label prendra la forme d’un “certificat” donné aux étudiants en plus de leur diplôme, ditelle.Quant aux universités européennes, la commissaire souligne un changement d’approche, avec pour but d’aller vers une spécialisation de chaque alliance. 

“Il y a une convergence de vues très claire sur de nombreux points [ce qui constitue] une excellente base pour mettre en oeuvre la stratégie européenne des universités (lire sur AEF info), qui vise à faire avancer l’espace européen de l’enseignement supérieur en lien avec l’espace européen de la recherche”, souligne Mariya Gabriel commissaire européenne à l’innovation, la recherche, la culture, l’éducation et la jeunesse à l’issue de la réunion informelle des ministres européens de l’ESRI, le 25 janvier 2022, à Paris.

Pour mémoire, cette stratégie, et la “proposition de recommandation” du Conseil qui l’accompagne, présentées par la Commission européenne la semaine passée, visent notamment à monter à 60 le nombre d’alliances d’universités européennes et à aller vers la création d’un diplôme européen, sujets sur lesquels la commissaire européenne a apporté plusieurs précisions. 

Dès 2022, mettre le diplôme européen à travers un label
Tout d’abord, Mariya Gabriel précise que l’objectif est de développer “un diplôme européen reconnu comme un véritable diplôme par les autorités nationales”, ce qui se fera “en plusieurs étapes”. Ainsi, “dès 2022, le diplôme européen sera mis à l’essai en tant que label donné à des programmes conjoints, dont la dimension européenne est reconnue par des critères communs”. Il s’agirait d’un “certificat” donné aux étudiants en plus de leur diplôme, afin d “attester de la dimension particulière de leur formation”. 

Sur cette base, il s’agira ensuite d “explorer les options pour développer progressivement un diplôme européen en tant que qualification qui couvre les niveaux licence, master et doctorat et qui soit disponible dans tous les domaines d’études”, ajoute-t-elle. “L’étape clé sera ici de permettre aux États membres de développer ensemble, avec le soutien de laCommission européenne, un set de caractéristiques communes auquel un diplôme européen devrait répondre”. 

Intégrer ce diplôme européen dans les législations nationales
Enfin, “la troisième étape” sera celle où les États membres joueront un “rôle crucial et central, en intégrant potentiellement ce diplôme européen dans les législations nationales en tant que qualification autonome”. Une attention particulière sera portée afin que ce diplôme soit “disponible dans un format commun, numérique, facilement vérifiable, authentifiable et reconnu automatiquement dans l’UE”, souligne Mariya Gabriel.En termes de calendrier, la commissaire souhaite que “d’ici la mi-2024 cristallisent les principaux critères, caractéristiques et responsabilités de chacun”. 

Vers une spécialisation des alliances d’Universités européennes
Mariya Gabriel rappelle le “rôle de démonstrateur” des universités européennes, précisant que “les alliances ont inspiré les travaux qui ont mené” à la stratégie dévoilée par la Commission européenne. “Dans ce contexte, il est essentiel que les universités bénéficient d’un financement approprié, au niveau européen au niveau national et que les États explorent les synergies possibles”, poursuit-elle. Au total, 80 milliards d’euros seront investis dans l’enseignement supérieur sur la période 2021-2027.

Selon elle, l’ambition de passer à 60 alliances “ne nuit pas à l’excellence, au contraire”, arguant que cette initiative”cristallisera l’excellence de 500 universités”. La Commission européenne a “changé d’approche puisque chaque alliance va se pencher sur un défi particulier qu’elle voudra résoudre et sur lequel elle voudra ouvrir des compétences, que ce soit sur le changement climatique, la santé, les industries créatives”. Elle souligne que “tout ceci est en processus”.

La commissaire revient aussi sur l’évaluation en cours des 17 premières alliances “qui arrivent au terme des trois années de leur projet pilote”, évaluation qui permettra de “tirer les enseignements quant à leur spécialisation”. “On rêve tous d’avoir notre MIT européen. Lors de la réunion avec les ministres, nous avons parlé de l’IA. Nous avons plein de domaines dans lesquels l’Europe est excellente. Maintenant, nous voulons, avec la stratégie européenne des universités, avec les alliances, les doter de moyens et de les encourager à partager des ressources pour que les infrastructures et les talents puissent se trouver en Europe et puissent mener un leadership européen en matière d’ESRI”. 

ESRI : Les conclusions sur la table du Conseil dans les prochaines semaines
De son côté, Frédérique Vidal rappelle les trois objectifs poursuivis par la PFUE, en matière d’ESRI :”Promouvoir des politiques européennes de la connaissance pour soutenir la relance économique et les transitions verte et numérique, en renforçant les synergies entre l’enseignement supérieur, la recherche,l’innovation et le service à la société ; affirmer la dimension internationale de ces politiques afin de contribuer au déploiement de la puissanceeuropéenne dans le monde et renforcer l’attractivité de l’Europe pour les enseignants, les chercheurs et lesétudiants ;enfin, approfondir le sentiment d’appartenance européenne, en soutenant les universités européennes dans leur action de transmission du mode de vie européen et en levant les obstacles à la coopération transnationale entre établissements d’Europe”.

La ministre française de l’ESRI souligne aussi que la réunion informelle du 25 janvier a permis “d’amorcer les travaux” et qu’est notamment ressortie des discussions “l’importance de répondre aux attentes exprimées par les universités qui se sont réunies en alliances” européennes. “Elles ont chacune des priorités, se sont fixés des sous-objectifs par rapport à l’objectif porté qui est d’augmenter la visibilité et attractivité de l’ESR européen. L’important est que l’on puisse laisser ces expérimentations se développer, et qu’on puisse les évaluer en fonction de leurs objectifs”, pour construire “un réel espace européen de l’enseignement supérieur.”Les conclusions et la recommandation seront sur la table du conseil dans les prochaines semaines”, précise-t-elle. “Nous sommes à un moment particulier du développement de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de l’UE et je suis sûre que nous réussirons ce moment à 27″.”Les ministres se sont engagés à travailler dès les prochains mois à la suppression des barrières auxquelles les alliances telles que les universités européennes font face, en mettant à leur disposition un ensemble d’instruments, et à soutenir leur pérennisation en exploitant les synergies entre dispositifs de financement européens, nationaux et régionaux”, précise un communiqué envoyé le 25 janvier au soir. 

Réactions aux nouvelles initiatives de la Commission pour l’enseignement supérieur européen 

Pour la Leru, ces deux documents montrent que la Commission européenne a écouté les commentaires des universités et de leurs réseaux lors de la consultation. “Mais aussi beaux et ambitieux soient-ils, leur réalisation relèvera essentiellement des États membres, dont la plupart n’ont pas une solide expérience en matière de politique et de financement de l’éducation, de la recherche et de l’innovation”. L’organisation demande à la Commission d “envisager l’utilisation des pouvoirs législatifs dont elle dispose, même s’ils sont limités, pour obtenir un réel changement pour les universités”, car “sans le soutien et le financement réels des États membres, la stratégie européenne restera une merveilleuse liste d’aspirations.” 

De son côté, la Guild juge que, “bien qu’il y ait beaucoup à saluer – l’articulation des besoins definancement des u niversités, le respect de la liberté académique et de l’autonomie des universités, les objectifs en matière de diversité et d’inclusion, ou l’importance de l’excellence mondiale – on peut réellement se demander si la stratégie est suffisamment visionnaire”. En outre, “la stratégie devrait se concentrer sur le renforcement des universités au niveau mondial, notamment sur leur capacité à mener des recherches et à dispenser un enseignement de premier plan dans le monde entier”, la Guild jugeant que “cette discussion devrait aller au-delà des universités européennes et au-delà des frontières de l’UE”. 

France Universités (ex-CPU) juge pour sa part que les propositions de la Commission européenne sont dans le droit fil des orientations et propositions formulées lors de son congrès constitutif” du 13 janvier dernier. “C’est en s’appuyant sur les universités que les politiques européennes seront dynamisées et par les diplômes européens qu’on ira vers une reconnaissance effective des formations dispensées”. Elle “apportera son concours, particulièrement dans le cadre de la PFUE et en lien avec les autres conférences nationales d’établissement d’enseignement supérieur et l’EUA, pour que ces orientations trouvent sans délai leur concrétisation”.